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Scribe royal Méniou, Louvre

26/02/2013 | Scribe royal Méniou, Louvre

   Ce visage délicat, au regard pénétrant empreint de l’expression d’une grande humanité, porte la marque de l’intelligence. Il semble demeurer impassible face à la violence des coups reçus qui ont fait éclater la pierre. « La violence est illettrée » a écrit Sartre dans « Situations ». Les archives diplomatiques d’Amarna, arrachées au désert, nous apprennent que Méniou obtint, par ses qualités exceptionnelles, la confiance du Pharaon, qui l’initia au secret de sa politique extérieure et en fit son ambassadeur. Il le chargeât, entre autres, de missions diplomatiques de première importance au royaume du Mitanni en guerre. Ce rôle de premier plan lui vaut sans doute l’honneur et la fierté d’arborer ce collier ousekh et de porter cette magnifique perruque de cour. Un sourire confiant sur des lèvres charnues soulignent la force de caractère de ce personnage singulier exercé aux vertus de la patience comme meilleur rempart à la brutalité du monde. Des guerres, des intrigues aujourd’hui perdues dans les sables, des ambitions souvent déçues se devinent derrière ces fragments de calcaire réassemblés de la statue du scribe d’Aménophis III sur lesquels nous déchiffrons des paroles d’espérance hélas très lacunaires, inscrites comme viatique pour le royaume des morts :

« Tes chairs seront fermes et tu vivras,

 Ô scribe royal le juste,

Méniou le bien-aimé du roi …

Tu marcheras sur la terre

Sans y rencontrer d’opposants,

Tu boiras l’eau, tes mains donnant …

Dans le temple de Ré,

Lors de la fête de la Grande Offrande,

Tu offriras la laitue ainsi que …

Tu seras acquitté contre tes ennemis …

L’autre monde t’accueillera,

Il cachera ton corps,

 Ô scribe royal, le juste … »

      Mais le destin continuera à s’acharner sur la figure de Méniou bien après sa disparition et l’effondrement de la civilisation égyptienne. Ses fragments réassemblés et son intégrité retrouvée furent de nouveau victime de la fureur des hommes et surtout des caprices de la mode. Le musée lui infligea une dé-restauration sans concessions qui laisse ses plaies à vif, offertes au regard indifférent des visiteurs. Puis, au prétexte d’un redéploiement des collections, on l’a délogé sans préavis de sa belle vitrine de bois précieux et de bronzes dorés du musée égyptien de Charles X, pour le réduire à résipiscence dans un lieu de pénitence, cette vitrine aquarium bien commune. Depuis lors, ses yeux se sont éteints. L’âme de Méniou s’est réfugiée dans le mutisme. Il garde confiance, la sagesse millénaire de sa culture l’ayant initié aux valeurs de la mémoire, du temps et de l’attente.

                                                              Luc Justin

 

 

 

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